Nul ne peut ignorer le déferlement de critiques adressées à l’endroit de l’IA pour son empreinte environnementale. Et il est vrai que lorsque Sam Altman évoque le développement d’un datacenter dont la consommation – de 5 GW – équivaudrait à 1/10ème de la totalité de la production électrique nucléaire française, on peut légitimement s’inquiéter à l’égard de la dynamique environnementale de ce secteur d’activité.
Néanmoins, il faut aussi avoir à l’esprit l’extraordinaire gain de performance qu’a connu l’épopée informatique au cours de ces 50 dernières années. À prix égal, la puissance de calcul a augmenté d’environ un milliard de fois depuis l’invention du premier circuit intégré en 1958. Dans le même temps, la consommation d’énergie, la taille et le coût des appareils informatiques se sont effondrés. Par ailleurs, le cerveau humain, qui consomme seulement une vingtaine de watts, possède une capacité de connexion plusieurs millions de fois supérieure aux architectures d’IA les plus avancées, par rapport aux systèmes d’intelligence artificielle les plus développés à ce jour. Le potentiel d’amélioration de ces technologies est donc considérable et, jusqu’à présent, peu exploré.
Mais au-delà du sujet de l’impact que représente la production de l’IA, existe une autre thèse, moins évoquée : celle consistant à utiliser l’IA pour ses vertus à l’égard des défis environnementaux. Il faut en effet avoir à l’esprit que les enjeux climatiques, mais aussi ceux liés à la biodiversité, sont issus de systèmes d’un grand niveau de complexité, comprenant de multiples facteurs simultanés et séquentiels.
Or, l’IA est particulièrement appropriée pour traiter les enjeux de complexité. Pour donner un exemple simple, un agriculteur est confronté à des centaines, parfois des milliers de variables au cours d’un cycle agricole. Il ne peut humainement en optimiser que quelques dizaines : ceux qui lui sembleront les plus importants. L’IA offre des perspectives remarquables pour générer des modèles aptes à produire des scénarios optimisant ces nombreux paramètres et parvenant à accroître la productivité tout en réduisant drastiquement les externalités agricoles négatives.
Et par-delà l’agriculture, dans son livre « Green IA – l’intelligence artificielle au service du climat » (Odile Jacob), Gilles Babinet montre que le potentiel environnemental de l’IA s’applique à l’ensemble des secteurs d’activité humaine : la façon dont on vit, travaille, se déplace, à travers des chaînes logistiques, de l’agriculture, de l’énergie, de la production industrielle…
L’IA permet donc de décarboner l’activité humaine mais aussi de faciliter l’émergence de nouveaux usages, accroissant notre qualité de vie et plus respectueux de l’environnement. Cet ouvrage souligne non seulement qu’il s’agit d’une voie qui devrait se manifester rapidement mais, de surcroît, qu’il s’agit d’une opportunité unique pour la France. Celle d’une nation qui, forte de ses acquis (une électricité presque totalement décarbonée, des infrastructures de qualité, des leaders mondiaux dans les métiers de l’environnement etc.), peut redevenir à l’avant-garde de l’innovation, en devenant un leader de l’IA appliquée à l’environnement.
Affirmons-le : sous réserve d’orienter l’innovation sur autre chose que de l’absurde consumérisme économique ou cognitif, il est tout à fait possible de voir l’IA prendre un rôle de premier plan dans la transition environnementale ; et que cette perspective soit finalement plus proche de nous que nous ne le pensons.
Ce livre est largement inspiré du cours que Gilles Babinet donne à HEC autour de ces notions. Sa thèse a beaucoup influencé les choix de vie et d’activité professionnelle.
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